L’élection est un moment clé de la vie démocratique. Elle influence la composition des organes législatifs, le processus législatif et, en fin de compte, la législation choisie. De manière plus générale, elle a également un impact sur la légitimité du processus politique. Les caractéristiques sociodémographiques des membres des organes législatifs (par exemple, les parlementaires) représentent une dimension essentielle de la légitimité générale de ces organes. A ce titre, les élections constituent souvent un moment de déception. A l’annonce des résultats, les citoyens et les analystes politiques se plaignent que tel ou tel groupe de la population n’est pas bien représenté parmi les personnes élues. Il n’y a peut-être pas assez de femmes, trop peu de jeunes ou une surreprésentation des personnes possédant un statut socioéconomique élevé. Bref, une représentation insatisfaisante, avec un impact négatif potentiel sur la qualité du travail politique fourni, sur la légitimité de l’organe élu, et, in fine, sur la confiance des citoyens envers leurs institutions politiques.
Face à cette situation, il existe différentes réponses. Nous pourrions tenir les partis politiques responsables de ne pas avoir garanti une représentation suffisante des différents groupes sur leurs listes de candidats. La responsabilité des partis politiques est cruciale, mais cette réponse seule ne peut fournir une solution satisfaisante au défi de la représentation. Nous pourrions également tenir les citoyens responsables des choix qu’ils ont faits. Après tout, ce sont eux qui glissent un bulletin dans l’urne. Là encore, la responsabilité des citoyens est fondamentale dans le choix des organes politiques. Cependant, ce choix porte en premier lieu sur des partis et des candidats et n’a qu’une influence indirecte sur d’autres critères de représentation. Cette réponse néglige également l’ancrage des habitudes de vote et les nombreux préjugés implicites en jeu lors du choix des candidats à qui donner son suffrage.
Dans cette contribution, nous présenterons une approche alternative aux règles et mécanismes existants censés assurer la représentativité des élus. Cette approche veut insuffler du dynamisme dans le processus électoral lui-même. Nous avons appelé cette approche le Pacte de Représentation1. Le Pacte de Représentation est un processus électoral en deux phases successives. Une première phase porte sur le choix des critères de représentation voulus par les citoyens. La deuxième phase voit ces critères s’appliquer au choix des candidats. Grâce à une méthode mathématique esquissée plus loin, nous pouvons identifier les « vainqueurs », soit le groupe de candidats respectant à la fois les critères de représentation choisis et les suffrages obtenus par les candidats.
Dans le débat public, les critères de représentation sont souvent appelés « quotas ». Nous avons cependant sciemment évité d’utiliser cette terminologie dans la présente contribution, car elle est souvent associée à la seule question de la représentation des femmes. De fait, cette terminologie est politiquement chargée et suscite à elle seule des controverses souvent peu fécondes.
Dans l’ensemble, le Pacte de Représentation est une contribution à un système électoral plus équitable, améliorant ainsi la légitimité et la qualité des procédures de décision démocratique. Cette contribution fait le lien avec la discipline plus large de la légistique. Il est intéressant de noter qu’Alexandre Flückiger (2019, 142), dans son traité de légistique, développe une réflexion sur les organismes participatifs et pluralistes pour évaluer la loi : « il serait toutefois opportun de faire un pas supplémentaire et réfléchir à de nouvelles modalités d’évaluation, plus participatives, plus pluralistes, plus inclusives, représentant l’éventail de toutes les personnes possiblement concernées, et ainsi plus ouvertes à la diversité d’une société pluraliste et véritablement démocratique ». Son ambition est exactement celle qui porte le Pacte de Représentation, même si son objet diffère. Le Pacte vise à ancrer ce pluralisme, cette inclusion, cette représentation du plus grand nombre dans l’organe législatif lui-même, et non seulement dans un organisme d’évaluation. Les différentes dimensions empiriques de cette ambition (impact sur la qualité et la légitimité) seront discutées plus loin dans cet article. Sur ce point, l’idée de Pacte de Représentation fait le lien avec la littérature de sciences politiques sur les mécanismes institutionnels de représentation. Selon la grille de lecture proposée par Mansbridge (2015, 267), l’idée de Pacte vient nourrir la réflexion sur la « représentation sélective » et son design institutionnel.
Pour ancrer ce Pacte et les discussions normatives qu’il suscite dans une réalité politique spécifique, nous ferons référence au processus de primaire du mouvement « Appel Citoyen » en 2018 (Valais) dans lequel le Pacte a été mis en œuvre. Cette situation réelle fournit à la fois un contexte et une étude de cas pour cette innovation politique. Il est important de préciser que les deux auteurs de ce papier étaient membres du comité de l’association « Appel Citoyen » au moment de cette primaire. Nous avons donc vécu cette aventure comme des acteurs. Aujourd’hui, nous prenons une perspective de recherche sur ces événements et nous développons une innovation politique qui va au-delà de cette expérience de primaire.
Cet article est organisé en 2 parties principales. La première partie présente les réflexions théoriques sur lesquelles repose le Pacte. La deuxième partie décrit l’application du Pacte dans la primaire « Appel Citoyen ».
Avant de présenter en détails les fondements théoriques du Pacte de Représentation, il vaut la peine de placer le décor de l’émergence de cette idée. En 2018, les citoyens du canton du Valais (Suisse) ont décidé de réviser complètement la constitution cantonale et d’instituer une assemblée constitutionnelle ( « Constituante ») pour cette tâche. Les 130 membres élus de la Constituante avaient (et ont toujours, car le processus est en cours) pour mission de rédiger une nouvelle constitution pour le canton. En plus des partis politiques traditionnels, un nouveau mouvement politique appelé « Appel Citoyen » a été créé pour offrir aux citoyens l’opportunité d’être candidats sans être affiliés à un parti spécifique. « Appel Citoyen » a décidé d’organiser des élections primaires pour choisir les personnes qui figureront sur leur liste de candidatures « officielles ». Toute personne résidant dans le district et s’étant engagée à respecter 7 valeurs fondamentales du mouvement « Appel Citoyen » avait le droit de se porter candidate à la primaire.
En organisant cette primaire – une élection avant l’élection – les membres du comité du mouvement « Appel Citoyen » ont été confrontés à un défi de représentation. Ils souhaitaient que les candidats figurants sur les listes soient aussi proches que possible des électeurs, c’est-à-dire des citoyens autorisés à voter lors des élections à la Constituante.
Ce défi de représentation forme le contexte général de notre réflexion sur le Pacte de Représentation. Il peut être décomposé en deux questions distinctes, qui prises ensemble, définissent le cadre théorique de cette contribution :
- La première question (ch. 2.2) concerne l’hypothèse qui sous-tend la démarche générale: pourquoi devrions-nous, en tant que mouvement politique, puis en tant que citoyens, viser une liste de candidats ou une assemblée élue qui, dans un certain sens, « reflètent » les électeurs ? Cette question est une question normative sur l’opportunité de ce que la littérature appelle la « représentation descriptive » ou « représentation miroir ».
- La deuxième question se pose si l’objectif d’une représentation descriptive est vu comme louable. Elle porte alors sur les méthodes possibles pour obtenir cette représentation (ch. 2.3 et 2.4). C’est ici que le Pacte de Représentation entre en jeu comme outil de réalisation générique d’une certaine forme de représentation.
Les processus d’élection sont utilisés pour s’assurer que les citoyens ont la possibilité de choisir leurs représentants. Il existe une relation complexe entre les électeurs (les citoyens) et les élus. Cette relation complexe met en jeu différents concepts de représentation2.
Un premier concept – politique – de la représentation est directement lié à l’élection. Parce que les candidats élus sont choisis par les citoyens, on suppose qu’ils représentent ces mêmes citoyens, ces derniers leur déléguant par la même certaines compétences. C’est le sens politique sous-jacent à l’idée même de démocratie représentative comme forme de système politique.
Un second sens porte moins sur le processus de délégation par élection que sur la représentation en termes sociodémographiques. L’organe électif représente ses électeurs dans le sens où ses membres présentent des caractéristiques similaires aux leurs. On parle alors de « représentation descriptive » ou de « représentation miroir ». L’analogie avec le miroir est utile pour illustrer le fait que les élus devraient en quelque sorte refléter le profil de leurs électeurs. Comme l’explique l’une de ses théoriciennes les plus connues, Jane Mansbridge, le défi normatif principal porte sur l’identification des circonstances dans laquelle la représentation miroir est une option intéressante pour produire un meilleur résultat en termes de qualité du travail politique et de légitimité générale des processus politiques3.
Il est intéressant de démarrer cette discussion en partant de la version extrême de la représentation miroir. Selon cette variante, la représentation miroir doit être un objectif normatif dans toutes les situations. Les femmes devraient toujours être représentées par des femmes, les Noirs par des Noirs, les pauvres par des pauvres. Cette position extrême se heurte à de nombreuses difficultés portant sur l’idée même de démocratie représentative (voir par exemple Kymlicka 1995, 139). Elle n’est d’ailleurs pas défendue dans la littérature et elle nous sert avant tout à poser les termes du débat. A l’inverse de cette variante extrême, il apparaît normativement et empiriquement plausible d’exiger des élus une capacité à prendre en compte les intérêts des autres (dans un sens sociodémographique) et à rechercher un juste arbitrage entre les différents intérêts. La démocratie représentative repose sur la conviction que les élus peuvent et doivent faire cet exercice de prendre en compte des intérêts qui dépassent les seuls intérêts des personnes avec qui ils partagent une relation d’identité (femme-femme, pauvre-pauvre par exemples). A ce titre, il apparaît normal d’exiger que les élus aient une capacité de décentrement par rapport à leurs intérêts propres. Hannah Arendt parle par exemple de « mentalité élargie » lorsqu’elle applique l’idée homonyme de Kant aux questions politiques4. Celui-ci avait développé cette idée dans le cadre d’une théorie du jugement esthétique, et Arendt l’utilise dans la sphère morale et politique comme la capacité de se projeter dans la réalité d’une personne différente afin de comprendre ses perspectives sur une question. Dans une approche également kantienne, l’idée principale de la théorie de la justice de Rawls et de son voile d’ignorance peut être interprétée comme la création d’une procédure qui force à dé-prioriser ses propres intérêts. Quoiqu’il en soit, cette question sera appréciée de manière différente selon la conception de la démocratie défendue. A titre d’exemple, une vision agrégative de la démocratie (où les intérêts particuliers s’additionnent et sont parfois en conflit) aura une autre sensibilité par rapport à cette question que la vision délibérative de la démocratie (qui met l’accent sur les conditions du débat politique)5.
En bref, à l’inverse de la position extrême, il apparaît donc judicieux de partir de l’idée que, de manière générale, les élus peuvent identifier, comprendre et intégrer dans leurs réflexions les intérêts de personnes différentes d’eux sur le plan sociodémographique6. La question qui se pose est alors celle de l’identification des situations spécifiques où la représentation miroir pourrait jouer un rôle. La représentation miroir n’est plus un objectif normatif général, mais plutôt une sorte de correctif dans certaines situations spécifiques.
Selon Mansbridge (2006, 624), il existe deux situations générales dans lesquelles une représentation miroir pourrait être importante. La première est celle où la représentation miroir assure une meilleure qualité et légitimité du processus politique et la seconde est celle où la représentation miroir est utilisée comme mécanisme de lutte contre la discrimination à l’égard d’un groupe spécifique.
1. La première situation se présente lorsque les intérêts et les perspectives de groupes spécifiques ne peuvent pas être représentés adéquatement par des personnes extérieures à ces groupes. Mansbridge estime que tel est le cas dans deux hypothèses.
- La première est réalisée lorsque les représentants qui sont membres d’un groupe ont tendance à s’occuper des questions pertinentes pour le groupe avec plus d’attention que les non-membres. A titre d’exemple, les femmes élues ont tendance à s’intéresser plus spécifiquement aux problèmes rencontrés par les femmes que les élus masculins. Cette hypothèse est compatible avec l’idée générale que les hommes peuvent représenter les femmes – un homme peut tout à fait s’intéresser à la question de la taxation des produits d’hygiène féminine. L’argument porte sur la probabilité empirique que des élues féminines s’intéressent plus spécifiquement à cette question. Sur le plan empirique, il s’agit d’une part de développer un standard pour définir ce que pourrait être cet intérêt spécifique porté aux problèmes rencontrés par les femmes, et d’autre part de le mesurer7.
- La seconde hypothèse est réalisée lorsque les représentants qui sont eux-mêmes membres d’un groupe peuvent mieux communiquer entre eux, avec d’autres représentants et avec les électeurs de ce groupe. Comme l’explique Mansbridge (2000, 100), cette capacité d’améliorer la communication est accentuée dans trois catégories de cas : a) lorsque les questions ou les intérêts d’un groupe ne sont pas cristallisés comme questions politiques (les représentants qui sont membres d’un groupe ont beaucoup plus d’informations sur les aspects pertinents d’une question que les non-membres), b) lorsqu’une histoire d’injustice et de méfiance empêche la communication entre les membres d’un groupe subordonné et les représentants d’un groupe dominant, et c) lorsque la présence physique des représentants du groupe pousse les autres élus à faire des efforts plus importants pour comprendre les intérêts du groupe et donner à ceux-ci une place prépondérante.
Pour ces deux hypothèses, la représentation miroir est justifiée par un argument instrumental portant sur la qualité du travail législatif. Suivant l’approche de Diamond et Morlino, la qualité de la démocratie se mesure dans la capacité des institutions à produire des politiques qui correspondent le mieux aux nécessités et aux demandes des citoyens (cités par Stojanovic 203, Diamond and Morlino 2004, 4). A l’aune de cette approche, la représentation miroir améliore premièrement les résultats en ajoutant des voix pertinentes à l’organe élu et en contribuant de manière substantielle à l’éventail des perspectives et des arguments représentés8. Deuxièmement, la représentation miroir contribue à la légitimité du processus politique en général en renforçant son caractère inclusif. Même si des décisions spécifiques sont perçues négativement par un groupe, sa confiance dans le processus politique est maintenue s’il le perçoit comme un système légitime. Sur ce point, Stojanovic traite notamment de la représentation des différentes communautés linguistiques dans un Etat plurilingue. C’est également un lien fort avec l’approche consociationnaliste (Lijphart)9.
Il est important de noter qu’il est possible de développer d’autres types d’arguments pour la représentation miroir. Nous pourrions par exemple imaginer un argument basé sur la réparation d’une injustice passée (par exemple pour un groupe victime d’injustices passées, comme les Noirs aux Etats-Unis durant la colonisation)10.
2. La seconde situation générale identifiée par Mansbridge où la représentation miroir se justifie est celle où cette dernière est utilisée comme outil de lutte contre la discrimination (2006, 628). Dans de nombreux cas, la discrimination de surface et structurelle ( « surface and structural discrimination » ) entrave l’accès de certains groupes aux fonctions politiques. La discrimination de surface se réfère par exemple aux habitudes de vote des citoyens liant la compétence politique à une personne masculine et discriminant ainsi les femmes, souvent sans en être pleinement conscients. La discrimination structurelle se réfère quant à elle aux conditions-cadres qui impactent la participation politique. A titre d’exemple, les femmes sont systématiquement vues comme les principales responsables de l’éducation des enfants, ce qui a pour effet de réduire le temps disponible pour des activités politiques. Face à ces différentes formes de discrimination, la représentation miroir est à même de remettre en question les schémas discriminatoires en permettant à certains représentants de groupes spécifiques d’accéder aux postes politiques. Les arguments de justice liés aux injustices passées, les arguments sur la nécessité de réaliser l’égalité réelle et les arguments instrumentaux pour casser les mécanismes de discrimination convergent tous pour justifier la représentation miroir11.
Dans le même temps, l’idée d’une représentation miroir se heurte à des critiques fondamentales12.
Premièrement, elle ne vise pas à garantir que les élus défendront concrètement ce qu’ils sont censés défendre. Comme l’écrit Iris Marion Young (1990, 354), « une relation d’identité ou de similitude avec les électeurs ne dit rien sur ce que fait le représentant ». En d’autres termes, les femmes ne votent pas toujours pour les intérêts des femmes (en supposant que nous puissions définir quels sont ces intérêts). La position de Mansbridge ne repose pas sur l’hypothèse que les décisions prises par les représentants miroirs correspondent exactement à ce qui est supposé être l’intérêt du groupe. Sa position est formulée comme un argument instrumental qui augmente les chances que, dans des situations spécifiques, les intérêts de groupes spécifiques soient mieux pris en compte par une représentation (plus) descriptive. De même, l’argument de la représentation miroir ne doit pas être confondu avec l’argument de la diversité/hétérogénéité. Les deux arguments sont peut-être en grande partie congruents, mais ils reposent sur des hypothèses normatives distinctes. L’argument de la diversité est un argument instrumental qui lie une meilleure qualité du travail politique à la présence de perspectives différentes dans un organe électif. L’objectif principal n’est plus de refléter les électeurs, mais d’apporter la plus grande diversité possible dans un groupe spécifique13.
Une deuxième critique, plus importante, porte sur le danger d’essentialisme. Comme l’écrit Mansbridge (2006, 630) « la croyance qu’il existe une certaine ‹ essence › de la féminité ou de la négritude, que les membres du groupe ont et qui n’est pas accessible à un étranger, renforce les stéréotypes du groupe tant de l’intérieur que de l’extérieur ». Le principal danger est de supposer, par exemple, que les femmes sont « différentes » et qu’en raison de cette différence insurmontable, elles ne peuvent être représentées par des hommes ou représenter elles-mêmes des hommes. Néanmoins, le lien entre cette critique essentialiste et les hypothèses de Mansbridge n’est pas nécessaire. Il est possible de soutenir que les femmes d’une société donnée vivent des expériences similaires en raison de la façon dont la majorité des individus de cette société considèrent les femmes. Ces expériences spécifiques à un groupe sont au cœur de la représentation miroir, et non une prétendue essence spéciale de ce groupe (Mansbridge 2006, 631).
Une variante de cette critique essentialiste souligne la tendance à minimiser la diversité interne du groupe en plaidant pour une représentation miroir. Par exemple, le fait que les femmes en tant que groupe doivent être soutenues tend à minimiser la diversité de la situation des femmes. Les études portant sur les discriminations multiples et croisées ont démontré l’importance de considérer la diversité des situations au sein d’un groupe14. Comme l’écrit Mansbridge, il n’y a pas de solution facile à cette difficulté. Selon elle, nous devrions développer de nouvelles pratiques démocratiques et essayer de faire en sorte qu’un groupe spécifique (comme les femmes) soit représenté par des membres divers. En outre, les mécanismes de représentation miroir (tels que les critères de représentation) devraient être conçus de la manière la plus souple possible (Mansbridge 2006, 635). Ils devraient notamment être temporaires (par exemple en étant liés à la réalisation de certains jalons en matière d’égalité). Le Pacte de Représentation s’inscrit pleinement dans cette volonté d’éviter de « réifier » les groupes.
La section précédente a exposé les arguments en faveur d’une représentation miroir dans certaines situations. Nous allons ici étudier la manière de réaliser cette représentation. A la lumière des dangers de l’essentialisme, il apparaît clairement que la façon dont la représentation miroir est opérationnalisée soulève en elle-même des préoccupations particulières. La principale hypothèse du Pacte de Représentation est que nous avons besoin d’un mécanisme contraignant, modifiable et légitime dans le sens d’un choix éclairé des électeurs. Après avoir donné un aperçu des deux catégories de mécanismes de représentation existants en Suisse et présenté leurs limites, nous nous attèlerons à présenter les avantages d’une troisième voie, soit le Pacte de représentation.
Une première catégorie de mécanismes de représentation se construit sur des « mesures institutionnelles fortes ». Elles sont prévues par la loi et fixent le cadre des élections. Les deux critères de représentation les plus courants dans la procédure électorale sont le critère géographique et le critère d’appartenance partisane.
Le critère de l’appartenance partisane est utilisé pour garantir la proportionnalité des forces politiques ayant obtenu des voix. La représentation proportionnelle permet aux partis d’être représentés selon leur force électorale, avec un quorum pour filtrer les partis considérés comme trop petits. Le critère géographique englobe tous les mécanismes destinés à définir un certain nombre de sièges pour une région géographique donnée (un district, un canton). En Suisse, le nombre d’habitants des cantons est utilisé comme clé de répartition pour les 200 sièges du Conseil national, tandis que le Conseil des Etats prévoit un nombre fixe de fauteuils par canton. Les élections dans les différents cantons fonctionnent également souvent sur la base de critères géographiques (districts). En tant que modèle « mixte », le canton de Neuchâtel connaît aujourd’hui une seule circonscription électorale pour les élections cantonales. Pour garantir une répartition la plus large possible, le système électoral prévoit néanmoins que 5 régions possèdent des garanties de représentation minimale au sein du Grand Conseil.
Les critères géographiques et partisans donnent un sens précis à la représentation et la rendent opérationnelle en l’incluant dans la Constitution et/ou dans une loi électorale. L’avantage de ces mécanismes de représentation « forts » réside dans leur solidité et leur stabilité institutionnelles. Le côté négatif de ces mécanismes apparaît dans leur manque de capacité à s’adapter facilement. Ils inscrivent dans la loi une certaine idée de la juste représentation en matière d’élections politiques, ce qui les rend très peu susceptibles de changer ou de s’adapter à une société qui évolue. Un autre défaut réside dans la difficulté de les combiner. Il est extrêmement complexe de gérer plus de 2 critères simultanément dans l’organisation d’un scrutin. Par exemple, il semble compliqué de concevoir un mode d’organisation du vote qui permette de prendre en compte des critères d’âge et de genre en plus des critères régionaux et partisans, tout en ne se servant que des instruments usuels (scrutin proportionnel, découpage électoral, etc.).
Une seconde catégorie de mécanismes utilisés pour favoriser une représentation miroir est constituée des mécanismes dit « souples », souvent non contraignants. Par exemple, les partis politiques s’engagent de plus en plus à promouvoir un plus grand nombre de femmes sur leurs listes, visant ainsi à augmenter le nombre de femmes élues. Les élections fédérales 2019 ont montré le potentiel d’une plus grande promotion des femmes sur les listes. Le Conseil national a maintenant 42% d’élues. Néanmoins, la situation demeure souvent préoccupante au niveau cantonal et communal15. Des mesures non contraignantes similaires sont à l’œuvre dans les cantons bilingues afin d’assurer une représentation perçue comme équitable entre les différents groupes linguistiques.
Ces mécanismes permettent une évolution avec souplesse. Parce qu’ils sont très souvent informels, ils ne nécessitent pas de longues procédures d’adaptation. Dans le même temps, cela constitue leur principale faiblesse. Ils ne peuvent pas garantir un résultat précis. De plus, même si le résultat d’une élection semble satisfaisant en ce qui concerne la représentation miroir, il est difficile de déduire de ce résultat l’intention des électeurs. La question des critères de représentation n’étant jamais posée directement, il semble difficile de tenter de la déduire indirectement des choix électoraux individuels.
Pour résumer ces résultats intermédiaires, nous sommes pris entre deux options: des mécanismes forts mais rigides d’un côté, des mécanismes souples mais non contraignants de l’autre. Pour remplir les exigences mentionnées auparavant, nous avons besoin d’inviter une troisième voie. Stojanovic arrive à une conclusion similaire et plaide lui aussi pour « des mécanismes informels, flexibles, indirects, implicites et limités dans le temps (…) » (Stojanovic 2013, 31).
Pour tirer le meilleur parti des deux types de mécanismes présentés ci-dessus, nous avons besoin d’un mécanisme contraignant, modifiable et légitime en ce sens qu’il s’appuie sur un choix éclairé des électeurs. Le Pacte de Représentation répond à ces desiderata.
Le Pacte de Représentation comporte deux aspects. D’une part, le « Pacte » reflète la nécessité pour les citoyens de débattre et de choisir certains critères. Ce choix prend la forme d’un engagement contraignant. D’autre part, la « Représentation » fait référence à l’ambition de déterminer ensemble la représentation souhaitée dans le résultat d’une élection. Le résultat final de l’élection tient compte à la fois des votes reçus individuellement et des critères choisis à l’avance. Ensemble, ces deux votes forment un moment démocratique complet. La première infographie illustre les deux phases du Pacte de Représentation.
Figure 1 : Schéma d’application du Pacte de Représentation. Dans cet exemple, un seul critère de parité des genres a été retenu à l’issue du premier vote. Dans une situation réelle, plusieurs critères concurrents pourraient être retenus.
La première phase du Pacte de Représentation sert à déterminer les critères de représentation sur lesquels le groupe s’engage. Le vote est formulé sous la forme d’une série de questions fermées (oui/non) sur l’opportunité de remplir un critère, par exemple : « Souhaitez-vous que la liste du parti X pour les prochaines élections contienne un nombre égal de candidatures d’hommes et de femmes ? » Une réponse positive conduit à l’application des critères correspondants lors de la seconde phase (l’élection). Cette première phase permet aux citoyens de préciser quelle représentation ils souhaitent voir se réaliser. Ils font un choix éclairé et explicite, en pleine connaissance des conséquences de leur choix, pour le cas d’un organe ou d’une élection spécifique.
Cette première phase répond à une difficulté classique de la représentation miroir, à savoir la sélection des critères de représentation (Stojanovic 2013, 151 ss.). Parmi un ensemble presque infini de critères potentiels, comment choisir les groupes qui peuvent faire valoir un droit à la représentation ? Comme le rappelle Stojanovic (2013, 168), ce défi de la sélection nous ramène à la question de la justification donnée pour une représentation miroir. Nous pouvons distinguer au moins trois grandes approches. La première se construit sur un argument de justice et identifie les groupes ayant un droit à la représentation comme étant ceux qui, par exemple, ont subi une injustice. A cause des politiques esclavagistes passées, les Noirs Américains auraient aujourd’hui un droit à être représenté. La deuxième approche est beaucoup plus fonctionnelle. Elle s’interroge sur les groupes suffisamment importants pour bloquer un système politique donné et les intègre afin de diminuer leur capacité de nuisance. On trouve trace de cette approche dans les Etats fédéraux ou dans les Etats plurilingues, par exemple en Suisse16.
Ces deux approches peuvent être complémentées par une troisième approche d’inspiration contractualiste. Si les citoyens se mettent d’accord sur l’importance d’un groupe donné à un niveau supérieur (par exemple dans la Constitution), il semble possible de formuler un argument de cohérence pour que le processus électoral donne une importance particulière à ce groupe. Ainsi, la Constitution suisse prévoit à son article sur l’égalité une provision spécifique pour l’égalité entre hommes et femmes17. Il est légitime d’arguer que le processus électoral doit être organisé de manière à réaliser cette exigence spécifique d’égalité, elle-même voulue par les citoyens. Même si cette approche contractualiste est intéressante en pratique, elle n’est que partiellement satisfaisante sur le plan théorique. En effet, elle ne fait que repousser la question. Pourquoi l’article sur l’égalité devrait-il faire mention spéciale de l’égalité entre hommes et femmes ? La question de la sélection des groupes reste entière, simplement déplacée à un autre niveau.
Une fois de choix sur les critères effectué, la deuxième phase du Pacte de Représentation ressemble davantage à une élection ordinaire. Les électeurs choisissent les candidats qu’ils souhaitent voir élus. Cette élection pourrait prendre la forme d’un scrutin plurinominal. Le processus de dépouillement consiste à recueillir les votes individuels reçus par tous les candidats. Sur cette base, une liste des résultats bruts est établie (le nombre de voix reçues par chaque candidat individuellement). Dans la forme la plus courante, si k candidats doivent être élus, ce sont les k candidats ayant reçu le plus grand nombre de voix qui l’emportent.
Durant cette deuxième phase, le défi principal consiste à s’assurer que les critères de représentation choisis lors du premier vote sont respectés. Le simple fait de prendre les k meilleurs candidats risque de violer les critères du vote 1. S’ajoute à ce défi la nécessité d’éviter l’arbitraire. Le choix de la liste gagnante doit résulter d’une application mathématique et déterministe des critères choisis et appliqués à la liste des résultats bruts. Les organisateurs du scrutin (l’Etat pour une élection officielle, ou un parti pour une primaire) ne doivent pas pouvoir intervenir et choisir entre plusieurs listes « gagnantes » possibles qui satisferaient au vote 1. Le système doit donc être conçu pour produire une liste gagnante unique : le groupe de candidats qui respectent les critères et qui, ensemble, totalisent plus de voix que tous les autres groupes possibles de candidats qui respectent les critères. Concrètement, cette innovation électorale est rendue possible par une manière mathématique de poser le problème de l’élection sous contrainte comme un problème d’optimisation linéaire en nombre entiers. La complexité de ce problème augmente avec le nombre de critères sélectionnés et le nombre de candidats. Cependant, en employant diverses méthodes d’optimisation (branch-and-cut), on peut considérablement accélérer le calcul tout en garantissant mathématiquement l’optimalité de la solution. Cette approche est robuste, précise et suffisamment rapide pour être utilisée afin de déterminer le résultat d’une élection suivant le Pacte de Représentation18.
En résumé, le Pacte de Représentation constitue un exemple de la troisième voie que nous recherchions : un mécanisme contraignant, modifiable et légitime, c’est-à-dire reposant sur un choix éclairé des électeurs. Les critères choisis par les participants au premier vote s’appliquent au résultat du second vote et garantissent ainsi un résultat conforme à l’engagement initial du Pacte.
Le chapitre précédant a posé les bases théoriques du Pacte de Représentation. Ce chapitre est consacré à l’application du Pacte de Représentation à la primaire « Appel Citoyen ». L’idée principale est de tester les réflexions théoriques avec un cas réel et de répondre aux critiques soulevées par cet instrument.
Trois critères de représentation ont été soumis au vote des membres du mouvement « Appel Citoyen » : la parité selon le sexe, l’âge (trois catégories d’âge) et la région (les différentes régions d’un même district). Pour ce premier vote, 453 personnes se sont inscrites et 347 d’entre elles (76,6%) ont participé. Le vote a eu lieu sur une plateforme de vote électronique en juin 2018. Les questions ont été formulées sous forme de questions fermées (oui, non, blanc). Les trois critères ont été acceptés, avec les résultats suivants :
- Sexe : 74,9% oui, 19,6% non, 5,5% blanc
- Âge : 76,9% oui, 17,6% non, 5,5% blanc
- Région : 70,0% oui, 21,6% non, 8,4% blanc
Ces trois réponses positives signifient que ces trois critères ont été appliqués à l’élection primaire des candidats Appel Citoyen.
Au moment de choisir ces trois critères soumis au premier vote, le mouvement « Appel Citoyen » a fait l’expérience de la difficulté à sélectionner les bons critères. Quels éléments doivent être reflétés et quelle doit être la précision du miroir? En comparaison avec la théorie de la représentation miroir, il est intéressant de souligner que le Pacte de Représentation diminue cette difficulté en offrant aux citoyens le choix dans la sélection des critères. Néanmoins, la question de la sélection se pose alors au niveau des critères soumis à votation. Comment choisir les critères qui seront soumis au vote du public ? Cette question possède une dimension substantielle (quel critère ?) mais également une dimension procédurale (qui possède la compétence de proposer quels critères seront soumis au vote ?). Sur la dimension procédurale de l’identification des critères, il est intéressant de choisir une approche aussi inclusive que possible. Dans le cas de la primaire « Appel Citoyen », il aurait été possible d’ouvrir une fenêtre de proposition pour tous les membres du mouvement en leur demandant quels critères, selon eux, devaient être proposés au vote.
Nous passons maintenant à l’analyse et nous examinons tout d’abord les trois critères choisis par « Appel Citoyen » à la lumière des hypothèses de Mansbridge (voir infra 2.1).
La première leçon à tirer de l’application des hypothèses de Mansbridge est que la tâche est profondément contextuelle. Nous devons nous concentrer sur le la situation spécifique dans laquelle le défi de la représentation est soulevé, en analysant l’histoire sociale et politique des institutions et en tenant compte des relations de pouvoir entre différents groupes. Dans le cas de la primaire « Appel Citoyen », il faut rappeler que l’objectif général est une votation pour choisir 130 Constituants qui réviseront complètement une constitution, à savoir le document qui établit les règles les plus fondamentales pour organiser une société spécifique. La constitution fixe le cadre normatif dans lequel des règles spécifiques seront élaborées. Elle a le potentiel de transformer en profondeur la dynamique sociale et politique en remodelant les institutions et en définissant des mécanismes de contrôle et d’équilibre entre les différents pouvoirs. A ce titre, l’élection d’une constituante est très particulière. Dans ce contexte, il semble particulièrement important que chaque individu se sente inclus et représenté dans le processus. Cela est vrai tant du point de vue des intérêts substantiels exprimés que de l’inclusion du processus politique en général19.
Le critère du sexe semble répondre aux hypothèses formulées par Mansbridge. Partant de l’idée qu’il est plausible d’affirmer que les femmes ont tendance à se préoccuper davantage des questions féminines que les hommes, la situation spécifique du Valais renforce l’argument. En effet, dans un canton conservateur comme le Valais, la méfiance entre les femmes (en nette minorité dans la politique, l’administration, l’économie) et les hommes (en nette majorité dans tous les postes de pouvoir) entrave la communication entre ces groupes. De même, la présence de plus de femmes dans les organes législatifs pourrait participer à la cristallisation de nouvelles questions politiques, pour l’instant restées dans l’ombre. Au niveau constitutionnel, il serait par exemple imaginable que la question du « care » (la politique du soin) soit mieux formulée si plus de femmes étaient représentées. A nouveau, il n’est pas question d’affirmer que les hommes sont incapables de parler de soins ou que la nature des femmes les amènerait naturellement à s’intéresser à cette question (essentialisme). Il suffit de partir du constat empirique inattaquable qu’aujourd’hui, ce sont largement les femmes qui font l’expérience de l’aide aux proches et qu’elles amènent donc une perspective particulière sur cette question.
Des considérations légèrement différentes s’appliquent au critère de génération. L’argument principal semble ici lié à la première hypothèse décrite par Mansbridge : des personnes de générations différentes peuvent avoir des difficultés à comprendre de manière satisfaisante les questions relatives au groupe. Il n’est pas nécessaire de prétendre que les personnes de plus de 65 ans ne comprennent pas les défis auxquels fait face une personne de 18 ans, mais qu’elles ne comprendront peut-être pas tous les aspects pertinents de cette situation particulière (et inversement). Encore une fois, cette affirmation empirique doit être replacée dans le contexte plus large du déséquilibre du pouvoir en termes économiques, politiques et sociaux entre les générations. Les jeunes générations ont moins de pouvoir que les générations plus âgées pour définir les questions pertinentes et influer sur les décisions politiques qui sont prises. Une représentation miroir de toutes les générations pourrait être un moyen intéressant d’améliorer la situation.
Le lien avec la première situation décrite par Mansbridge est plus clair s’agissant du critère régional. Les personnes vivant dans un environnement social, politique et économique spécifique ont tendance à mieux connaître les défis auxquels elles sont confrontées que les personnes vivant à l’extérieur. Même à l’intérieur de régions géographiquement petites (comme les districts valaisans), il est important de connaître les spécificités locales des villes et des villages, l’histoire des régions ou les rapports de force entre acteurs locaux. Tous ces éléments sont des éléments cruciaux lorsqu’il s’agit de politique et il est difficile de se les approprier pour des externes. Ce premier argument pourrait être renforcé par des problèmes de communication dans les cas où une unité géographique est confrontée à des défis spécifiques, comme l’éloignement des centres urbains où les activités économiques et politiques ont lieu.
Du point de vue de l’ambition de lutter contre les schémas de discrimination, les critères du sexe et de l’âge sont les plus pertinents. Il s’agit de critères qui tiennent compte de la situation des groupes (principalement les femmes et les jeunes) qui sont encore sous-représentés dans les organes politiques. Sur ce point, il y a peut-être lieu d’établir une distinction plus nette entre les femmes et les jeunes. Les jeunes sont confrontés à des défis pour se faire élire à des fonctions qui, d’un côté, relèvent d’une discrimination de surface liée à la légitimité politique perçue ( « les jeunes ne peuvent pas être de bons politiciens » ). D’autre part, ils sont confrontés à des défis structurels liés au parcours de vie « standard » dans lequel la formation, les premières expériences professionnelles et la famille jouent un rôle important entre 20 et 40 ans. Le cas des femmes semble différent en ce sens qu’elles sont confrontées à des mécanismes de discrimination structurelle directement liés à leur identité et à leur rôle social en tant que femmes. En Suisse en particulier, ces schémas structurels peuvent être liés à la reconnaissance très tardive des droits politiques des femmes.
Les trois critères mis au vote par « Appel Citoyen » n’épuisent pas toutes les possibilités. De nombreux critères sont envisageables et ont été considérés par le comité de l’association « Appel Citoyen ». L’intégration d’autres critères de représentation doit remplir deux types de conditions.
Le premier type de conditions s’inscrit dans l’approche proposée par Mansbridge. Sur ce point, d’autres critères pourraient par exemple inclure le niveau de revenu, la situation socio-économique, le niveau de formation, le type de profession20. Tous ces critères ont en commun de donner plus de poids aux critères sociaux qui permettraient aux catégories d’individus systématiquement sous-représentées d’être plus présentes dans les organes électifs. Particulièrement intéressante pourrait être la tentative d’obtenir une représentation miroir pour les individus ayant moins de ressources (par exemple dans le sens de capital de Bourdieu). Ces ressources pourraient inclure des ressources financières (nécessaires pour envisager une carrière politique), des ressources culturelles (nécessaires pour s’estimer légitime d’être candidat) et des ressources sociales (nécessaires pour trouver le soutien nécessaire pour être élu). Ces critères potentiels rempliraient les première et deuxième hypothèses proposées par Mansbridge (meilleure qualité et légitimité législative, lutte contre les discriminations).
Le deuxième type de conditions est de nature plus pragmatique. D’une part, il ne faut pas choisir un trop grand nombre de critères simultanément. La complexité de la résolution mathématique dépend en effet du nombre de critères considérés. Choisir un grand nombre de critères augmente la difficulté de s’assurer que la liste gagnante puisse être identifiée à coup sûr et dans un délai raisonnable. Des difficultés de lisibilité pour les candidats et les électeurs se posent également. Une grande complexité mathématique renforce un effet perçu comme presque « magique » dans la sélection de la liste gagnante. De plus, afin que l’élection ait du sens, il faut être en mesure de proposer un « pool » de candidats assez divers. Si pour satisfaire les critères, il n’y a qu’une seule liste gagnante possible sans considération pour le nombre de voix reçues par les candidats, le sens de l’élection se perd.
D’autre part, la formulation des critères retenus doit permettre de classer clairement les futurs candidats dans des catégories mutuellement exclusives. Ceci est crucial pour l’application du critère lors du second vote. En d’autres termes, chaque candidat doit pouvoir être caractérisé de façon unique par une et une seule des catégories possibles de chaque critère. Un critère de « revenu » potentiel implique que les candidats puissent être classés dans des catégories exclusives en fonction de leur revenu. De même, le critère « genre » pourrait inclure les catégories « homme », « femme » et « autre », mais demanderait à chaque candidat de se classer de manière unique dans une (et une seule) catégorie au sein de chaque critère.
Après un premier vote sur les trois critères de représentation, le second vote portait sur le choix des candidats. Au total, 151 candidats (77 hommes et 74 femmes) se sont inscrits à la primaire, pour 96 sièges disponibles répartis dans 8 districts. 1905 électeurs inscrits et vérifiés ont été autorisés à participer au vote. Le vote a eu lieu en septembre 2018 et 1308 électeurs y ont participé (68,8 %). Les électeurs pouvaient voter pour des candidats dans leur circonscription (district en Valais). L’élection s’est déroulée sous forme d’un scrutin plurinominal. Les électeurs de chaque circonscription pouvaient voter pour un nombre maximal de S candidats, S étant le nombre de sièges attribués à cette circonscription pour l’élection à la Constituante. Il n’y a pas eu d’autres contraintes au vote. En particulier, les électeurs n’avaient pas besoin d’appliquer les critères de représentation choisis sur leur bulletin de vote individuel. Ces critères de représentation ont été incorporés dans la phase de comptage.
Pour aborder cette deuxième phase, nous nous concentrons sur les différentes critiques formulées par les participants (candidats et électeurs) et par le grand public. Ces critiques permettent de mettre en évidence les aspects les plus intéressants du Pacte de Représentation.
Une critique clé contre le Pacte de Représentation est l’idée que les candidats ayant reçu le plus de voix devraient toujours être sélectionnés/élus. En d’autres mots, ceux ayant reçu le plus de suffrages doivent l’emporter et il ne doit pas y avoir d’ « élu-quota ». A titre d’exemple, la primaire « Appel Citoyen » a été marquée par l’importance du critère générationnel dans de nombreux districts. Ainsi, des candidats de plus de 65 ans ont parfois été sélectionnés alors qu’ils avaient recueilli moins de suffrages que des plus jeunes.
Face à cette critique, il est important de rappeler que le Pacte de Représentation amplifie une logique déjà présente dans la plupart des élections. Les critères de représentation géographique et politique sont systématiquement utilisés dans les élections. Or, lors d’une élection proportionnelle, il arrive souvent qu’un représentant élu d’un certain parti ait obtenu moins de votes individuels qu’un candidat non élu d’un autre parti. Il en va de même pour les circonscriptions électorales distinctes dans lesquelles les candidats d’un plus petit district sont élus bien qu’ils aient reçu moins de voix que les candidats d’une circonscription plus peuplée. Le Pacte de Représentation vient donc amplifier une logique déjà présente dans le système actuel et le rendre plus dynamique. Ce dynamisme – compris comme la capacité des citoyens de modifier les critères choisis et leurs implications – est un argument clé contre les dangers de l’essentialisme évoqués plus haut.
Les individus, dans notre cas les candidats à une primaire, ne sont pas définis de manière permanente comme membre d’un groupe. Les critères sont choisis pour une élection particulière et ceux-ci pourraient changer pour une élection ultérieure ou pour une élection dans un autre organe. Pour illustrer ce point, le projet de révision constitutionnelle dans le canton de Neuchâtel est intéressant. En 2019, le parlement cantonal a presque accepté de modifier sa constitution et d’intégrer une règle de représentation paritaire sous l’angle du sexe (50 % de femmes et 50 % d’hommes) pendant 3 législatures (12 ans). Après ces trois élections, le critère de représentation du sexe aurait à nouveau disparu. Si l’idée avait trouvé une majorité au parlement cantonal, les citoyens de Neuchâtel auraient dû voter sur une formule très proche de celle du Pacte de Représentation : un premier vote sur les critères (critère de la parité entre les sexes, appliqué pendant 3 élections au parlement cantonal) et un second pour les élections proprement dites du parlement cantonal. Le caractère temporaire de la règle proposée est particulièrement intéressant. Il permet de s’attaquer à une inégalité des chances structurelle par l’application temporaire d’un critère de parité entre les sexes.
Une autre critique entendue après la primaire « Appel Citoyen » porte sur la peur de la technocratie en politique. Les voix critiques pointaient du doigt que l’algorithme (une « machine ») avait sélectionné les candidats, et non le vote des membres du mouvement. Même si elle est erronée, cette critique est intéressante. De manière générale, il est intéressant d’aborder cette question comme un défi d’éthique de l’innovation21. Une innovation technologique (mathématique dans ce cas, liée à la possibilité d’organiser facilement des votes en ligne) rend possible une innovation politico-sociale. En l’état, la primaire « Appel Citoyen » n’aurait pas pu avoir lieu il y a 20 ans. De manière plus spécifique, il faut rappeler que l’algorithme n’a aucune marge de manœuvre décisionnelle, il ne fait que rechercher la solution optimale à un problème mathématique. Il est l’outil d’une approche ancrée sur la cohérence des choix : les critères choisis lors du premier vote sont mis en action lors du second vote. La méthode mathématique est là pour garantir cette mise en œuvre, sans que l’arbitraire ne vienne interférer sur l’identification de la liste gagnante.
Cette critique de l’algorithme soulève un véritable défi en matière de transparence démocratique. Les procédures actuelles de dépouillement sont loin d’être parfaites, mais elles ont le mérite d’être facilement compréhensibles. De nouvelles pratiques comme le Pacte de Représentation doivent être accompagnées de mesures capables de garantir la confiance des électeurs dans la rigueur du processus. Dans le cadre du projet « Appel Citoyen », les organisateurs du vote ont ainsi par exemple publié les bulletins de vote anonymisés et donné accès au code source de l’algorithme. Chaque participant a pu vérifier que son vote avait bien été pris en compte et que l’algorithme fonctionnait bien.
Sous sa dimension politico-sociale, cette innovation interroge nos habitudes politiques et notre manière d’appréhender les critères de représentation (les fameux « quotas »). A ce titre, le Pacte de Représentation offre une nouvelle systématique à la manière dont nous traitons cette question. Il est possible de schématiser les deux moments du Pacte et de les associer à différents ensembles de valeurs (voir Tableau 1).
Tableau 1 : Valeurs sous-tendant les deux moments de vote du Pacte de Représentation
Vote 1 : choix des critères de représentation | Vote 2 : élection | |
Critères de choix des votantes | Facteurs socio-démographiques | Positions politiques |
Valeurs | Représentation miroir, diversité | Préférences politiques des votants |
Fonction dans le Pacte de Représentation | Détermine le cadre du moment électoral | Traduit les préférences des votantes |
Le premier vote concerne principalement les caractéristiques sociodémographiques de l’ensemble de la population. Il se réfère aux valeurs de la représentation miroir et de la diversité comprise comme hétérogénéité. Dans ce premier vote, nous devons répondre aux questions suivantes :
- Sous quels aspects les élus devraient-ils être représentatifs de la population ? (représentation miroir)
- Sous quels aspects les personnes élues devraient-elles être aussi diverses que possible ? (diversité)
En revanche, le deuxième vote fait principalement référence aux positions politiques des candidats. Lorsqu’il s’agit de donner leur voix, les électeurs choisissent en fonction de leurs préférences politiques. Les candidats sont jugés pour les projets et les idées qu’ils défendent.
Le Pacte de Représentation contribue à mettre de l’ordre dans la manière dont ces questions sont généralement abordées dans le cadre de débats politiques. Aujourd’hui, les préférences politiques sont souvent drapées dans le langage des « compétences ». On oppose alors « quota » à « compétence politique ». La parité entre les sexes paie un prix particulièrement élevé pour ce mélange des genres. Suivant cette approche, les femmes (véritablement) compétentes n’auraient pas besoin de critère de représentation, car leur seule compétence devrait leur permettre d’être élue. Etrangement, on entend moins ce genre de critiques sur les critères géographiques, lorsque les représentants d’une circonscription ne seraient pas choisis en fonction de leurs compétences, mais en fonction de leur lieu d’habitation. Le Pacte montre que cette façon de traiter ces critères est erronée parce qu’elle mélange deux niveaux différents qu’il faut distinguer. Les critères de représentation ( « quota ») se rapportent à des facteurs sociodémographiques et font l’objet du premier vote sur la représentation souhaitée. Les positions politiques – un terme plus honnête que celui de « compétences politiques » qui suggère qu’il s’agit uniquement d’une question de CV – sont au cœur du deuxième vote.
Aujourd’hui, les discussions sur les moyens d’assurer une meilleure représentation sont prises au piège entre des règles institutionnelles fortes et contraignantes et des règles souples et non-contraignantes. Grâce au Pacte de Représentation, il est possible d’imaginer une troisième voie qui allie flexibilité et garantie de résultats. Les citoyens s’entendent sur des critères de représentation et s’engagent à les appliquer à une élection. En fournissant une solution démocratiquement légitime, cette approche insuffle du dynamisme au cœur du processus électoral. Elle contribue à des organes électifs plus équilibrés en facilitant une représentation miroir et en obligeant les citoyens à décider collectivement des contours de la représentation souhaitée. Comme démontré par la primaire « Appel Citoyen », cette approche peut être étendue à de nouveaux types d’élection, par exemple dans une entreprise, une association ou une fondation. La même structure permet d’accompagner l’entier du processus, de la définition des critères à l’élection.
Cette contribution offre un pont intéressant vers le domaine de la légistique en proposant un moyen concret et viable d’augmenter la qualité du travail législatif, ou tout du moins d’augmenter les chances que les organes électifs réalisent un bon travail en intégrant les perspectives les plus importantes. Il offre une voie intéressante vers des organes pluralistes et inclusifs, capables de prendre en compte une multitude de perspectives. Le miroir est loin d’être parfait – il ne doit certainement pas l’être – mais il permettra à un plus grand nombre de s’y regarder et de s’y retrouver, avec un léger flou, mais avec un fort sentiment de légitimité.
Johan Rochel, Dr. en droit, Post-Doc à l’Université de Zurich, Membre associé Centre d’éthique de l’Université de Zurich, Membre de la Constituante valaisanne.
Florian Evéquoz, Dr. en Informatique, Prof. HES-SO Valais-Wallis, Chercheur à l’Institut Human-IST de l’Université de Fribourg, , Membre de la Constituante valaisanne.
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- 1 Cet article possède une publication « sœur » qui développe les aspects techniques du Pacte de Représentation. Cette publication s’intitule « Fair and Legitimate Elections with the Representation Pact » (J. Rochel, F. Evequoz, E. Celis). Une présentation tout public de l’idée du Pacte de Représentation a été publié sous forme de blog par le « Staatslabor » en septembre 2019. Il est à noter que les citations reproduites dans ce papier ont été traduites par les auteurs. La référence indique le texte original.
- 2 Pour une vue d’ensemble de la question, Manin (1996).
- 3 Voir par exemple Mansbridge (1999); Mansbridge (2000); Mansbridge (2015). Pour l’un des ouvrages « historiques » qui a lancé ce débat, Young (1990).
- 4 Pour l’interprétation d’Arendt (1968), 219–220. Pour d’autres références sur cette question, Passerin d’Entreves (2006), 5.3–5.4.
- 5 Pour des références, Mansbridge (2006), 624.
- 6 Sur cette position par défaut, voir Stojanovic (2013), 31.
- 7 Parmi une large littérature empirique, voir notamment : Virgint (2016); Dahlerup (2018); Franceschet, Krook and Piscopo (2012).
- 8 Pour l’exemple du genre et de la race et leur impact sur l’agenda politique aux Etats-Unis, voir notamment Bratton (2002).
- 9 Stojanovic (2013), 34 ff. Sur le consociationalisme, Lijphart (2002).
- 10 Ce genre d’arguments repose sur une certaine conception de la justice dans le temps. Pour un cadre général, voir Meyer (2008).
- 11 Pour un cadre théorique général, Franceschet, Krook and Piscopo (2012), introduction.
- 12 Pour une vue d’ensemble des critiques à l’encontre de cette approche, Meier and Severs (2018).
- 13 Pour une étude empirique sur la valeur de la diversité comme outil de lutte contre les bulles de prix de l’immobilier, Levine, Apfelbaum, Bernard, Bartelt, Zajac and Stark (2014). Pour le cas des équipes de R&D, Díaz-García, González-Moreno and Jose Sáez-Martínez (2013).
- 14 Pour l’un des articles fondateurs sur l’intersectionnalité, Crenshaw (1989).
- 15 OFS Office fédéral de la statistique. Femmes et élections. https://www.bfs.admin.ch/bfs/fr/home/statistiken/politik/wahlen/frauen.html.
- 16 Pour l’analyse consociationnaliste de la Suisse, voir Lijphart (2002).
- 17 Art. 8 al. 3 Cst. fédérale : « L’homme et la femme sont égaux en droit. La loi pourvoit à l’égalité de droit et de fait, en particulier dans les domaines de la famille, de la formation et du travail. L’homme et la femme ont droit à un salaire égal pour un travail de valeur égale. ».
- 18 Les lecteurs intéressés à la dimension technique de cette démarche sont invités à consulter la publication « sœur ». Cette publication s’intitule « Fair and Legitimate Elections with the Representation Pact » (J. Rochel, F. Evequoz, E. Celis), cf. note de bas de page 1.
- 19 Il semble même exister des retombées positives de la diversité dans les organes législatifs sur les pratiques citoyennes. Dunn, Orellana and Singh (2009).
- 20 Mansbridge traite elle-même du critère des classes professionnelles (classes de travailleurs) et propose de traiter cette question à l’aune de l’entier du système politique. Si les travailleurs n’ont aucun autre moyen de faire entendre leur voix, l’argument pour une représentation descriptive devient plus fort. Mansbridge (2015).
- 21 Cette question nous amène à la question de la responsabilité dans le contexte de l’innovation. Voir par exemple Pellé and Reber (2015).